Crash de l’A320 : le Canada va imposer deux personnes dans le cockpit

Crash de l’A320 : le Canada va imposer deux personnes dans le cockpit

Le pays, de même que plusieurs compagnies aériennes européennes, a décidé de changer ses règles après le drame de l’A320 de Germanwings.

Deux pilotes dans le cockpit d'un Airbus, photo d'illustration.

Deux pilotes dans le cockpit d’un Airbus, photo d’illustration. © Adek Berry / AFP
L’acte du copilote de l’A320 de Germanwings, qui a empêché le commandant de bord de regagner les commandes avant le crash, a conduit dès jeudi un pays, le Canada, et plusieurs compagnies aériennes européennes à imposer la présence de deux membres de l’équipage dans la cabine de pilotage tout au long du vol. La fédération allemande du transport aérien (BDL) a pour sa part annoncé jeudi soir, par la voix de son président, Matthias von Randow, qu’elle voulait faire entrer cette règle en vigueur à l’avenir. La mesure concernant l’ensemble des compagnies canadiennes entre en vigueur « immédiatement », avait auparavant annoncé à Ottawa la ministre des Transports, Lisa Raitt, quelques heures après qu’Air Transat et Air Canada eurent décidé d’agir volontairement en ce sens.

La low cost britannique easyJet, qui a transporté l’an dernier près de 65 millions de passagers enEurope, est toutefois pour le moment la plus importante compagnie aérienne à avoir sauté le pas. Elle a annoncé l’entrée en vigueur dès vendredi de cette mesure, en concertation avec l’aviation civile duRoyaume-Uni. « La sûreté et la sécurité de ses passagers et de ses équipages constituent la priorité », a-t-elle souligné.

Outre la Canadienne Air Transat, la Norvégienne Norwegian Air Shuttle et l’Islandaise Icelandair l’avaient précédée peu après les révélations de la justice française sur le déroulement de la catastrophe qui a fait 150 morts dans les Alpes françaises mardi. « On discute de cela depuis longtemps, mais cet épisode a accéléré les choses », a expliqué Thomas Hesthammer, responsable des opérations de vol de Norwegian, la troisième low cost européenne. Il a précisé qu’il s’attendait là aussi à une mise en place de ces mesures à partir de vendredi, après le feu vert de l’aviation civile norvégienne. D’autres compagnies européennes envisagent de telles mesures, qui verraient une hôtesse ou un steward s’installer dans la cabine de pilotage pendant l’absence d’un des pilotes. Mais elles attendent la fin de l’enquête judiciaire en France pour trancher.

Le traumatisme du 11 Septembre

Pour l’heure, « la réglementation de l’Autorité européenne de sécurité aérienne (EASA) n’impose pas que le pilote soit remplacé par un membre de l’équipage lorsqu’il quitte la cabine de pilotage », selon un porte-parole de l’agence. « Elle prévoit que les pilotes sont tenus de demeurer dans la cabine de pilotage tout au long du vol sauf en cas de besoin physiologique », a-t-il ajouté. Cela doit leur permettre d’aller aux toilettes ou de se reposer sur les longs-courriers, vols pendant lesquels l’équipage est composé de trois pilotes.

Aux États-Unis, le régulateur, la Federal Aviation Authority (FAA) précise que pilote et copilote doivent demeurer dans le cockpit du décollage à l’atterrissage, sauf si l’un d’eux doit en sortir « pour réaliser des tâches en liaison avec les opérations de l’appareil (ou) pour des besoins physiologiques ». Dans ce cas, la FAA impose, après le traumatisme du 11 septembre 2001, la présence d’un membre de l’équipage dans la cabine de pilotage lorsque l’un des pilotes en sort, avec la porte verrouillée, jusqu’à son retour.

En Europe, rares étaient les compagnies qui le faisaient jusqu’ici. Parmi elles, la Finlandaise Finnair : « Le manuel prévoit déjà deux personnes en permanence dans le cockpit. Si un pilote veut s’absenter, un autre membre de l’équipage doit obligatoirement venir », a expliqué une porte-parole, Päivyt Tallqvist, sans préciser depuis quand cette mesure était en vigueur. De même pour la low cost irlandaise Ryanair et la compagnie espagnole Iberia, chez lesquelles, lorsqu’un pilote sort de la cabine de pilotage, un membre de l’équipage s’y rend.

Pas « 100 % de sécurité »

Interrogé sur la question, le patron de Lufthansa Carsten Spohr s’est contenté d’indiquer que « ce n’est pas prévu en Europe et en Allemagne, dans le monde il y a très peu de compagnies qui font cela. » « Je ne vois pas de nécessité de modifier nos procédures, mais nous allons en parler avec divers experts, avec les autorités », a-t-il ajouté. Pour autant, une telle mesure ne serait pas suffisante pour se prémunir totalement, a estimé Ilja Schulz, le président du syndicat allemand des pilotes Cockpit. « C’est une idée qui est évoquée par beaucoup. Mais cela ne garantirait pas non plus 100 % de sécurité, parce qu’un collègue pourrait alors en terrasser un autre dans la cabine de pilotage », a-t-il déclaré à l’agence de presse DPA. Et si de nouvelles procédures devaient être adoptées, il faudrait qu’elles le soient « pas juste par la compagnie (aérienne), mais de manière obligatoire par les autorités » de régulation, a-t-il estimé.

Seule l’EASA est habilitée à rendre cette pratique obligatoire en Europe. Interrogé après l’annonce de Norwegian Air Shuttle, un responsable de l’Administration norvégienne de l’aviation civile, Frode Lenning, a estimé que « rien n’empêche une compagnie de mettre en place une procédure propre qui soit plus sévère que le cadre réglementaire ».

le Point