Zimbabwe : Comment « l’intraitable » Robert Mugabe négocie son départ du pouvoir !
C’est le dernier défi de Robert Mugabe : celui destiné à faire mentir tous les pronostics sur son départ. Les militaires, qui ont pris le pouvoir en faisant bien attention de ne pas l’admettre trop franchement, mercredi 15 novembre, le voyaient signer une démission le jour même, et s’en aller tenter de guérir son cancer ailleurs en profitant de sa fortune, déjà placée à l’étranger. Mais le vieux combattant s’est cabré. Refuse de plier. Autocélébration de l’homme de fer qu’il a toujours été, jamais un verre de vin, discipline comme autrefois, tout cela mêlé à un usage gourmand de la violence.
Le Zimbabwe dans l’attente de la démission de Mugabe
Mais il est à présent au bout de beaucoup de choses : de son existence (il a considérablement diminué), de sa capacité de séduction parmi ses pairs, de celle à renverser toutes les situations. Dans les minutes, les heures ou les jours à venir, il va bien falloir admettre la défaite. Une délégation des ministres sud-africains a été envoyée, mercredi, par le président Zuma, à la recherche d’une solution, en compagnie d’émissaires plus discrets. Et Robert Mugabe négocie. « Dur », selon les uns, « intraitable », « posant des conditions inacceptables », selon les autres, comme, par exemple, dans la nuit de mercredi à jeudi, quand il exige de mettre un veto à la nomination d’Emmerson Mnangagwa, le vice-président qu’il a limogé il a dix jours, pour prendre sa succession à la tête d’une structure intérimaire en attendant l’organisation d’élections.
« Transition assistée par l’armée »
La Constitution prévoit qu’en cas de démission ou d’incapacité du président, c’est le dernier des deux vice-présidents à avoir assumé le pouvoir en son absence qui lui succède temporairement. Or le dernier dans ce cas n’est pas Emmerson Mnangagwa, qui a si souvent rempli cette fonction, mais son homologue, Phelekezela Mphoko, un fidèle de Mugabe.
Et, désormais, entre les factions zimbabwéennes, on ne transige plus. Emmerson Mnangagwa a d’abord échappé à un empoisonnement, puis a été limogé. Il a quitté le pays en promettant, sur les réseaux sociaux, de revenir « dans deux semaines ». Les fidèles de Robert et Grace Mugabe se sont moqués de ce qu’ils ont pris pour une fanfaronnade. Celui qu’on surnomme depuis longtemps avec crainte le « Crocodile » est le cerveau du coup d’Etat, rebaptisé « transition assistée par l’armée », qui a abattu avec une semaine d’avance le pouvoir zimbabwéen tenu par les proches de l’épouse du chef de l’Etat. Le tout, selon plusieurs sources, en parfaite connaissance de cause du pays voisin, l’Afrique du Sud.
Le Zimbabwe se réveille dirigé par des militaires
Car, si Robert Mugabe comptait sur Pretoria pour lui sauver la mise, c’est raté. Dès le début du processus de « transition assistée par l’armée », la position du président sud-africain, Jacob Zuma, aurait dû l’alerter. Un petit communiqué appelant au calme, aucun rappel tonitruant des principes ni de la légitimité. Et dans lequel ne figurait même pas le nom du chef de l’Etat du Zimbabwe, lequel pouvait compter sur la protection de l’ANC, ce parti ami, uni par tant de luttes, et tout particulièrement sur l’appui, lorsqu’il était au pouvoir, de l’ex-président, Thabo Mbeki. « Comrade Bob », c’était une notion proche du sacré à Pretoria, et quiconque lui cherchait des noises ne pouvait être qu’un agent de la grande conspiration des « impérialistes », à commencer par les Britanniques. et les Américains.
Le Monde
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