Le bilan du coronavirus ne cesse de s’alourdir : 259 décès, plus de 11 000 personnes contaminées. Le secrétaire du parti communiste de Wuhan a reconnu ce vendredi à la télévision nationale que les mesures pour enrayer l’épidémie n’avaient pas été prises au départ.
Plusieurs compagnies aériennes ont interrompu leur vol à destinations des mégapoles chinoises, rapporte notre correspondant à Pékin, Stéphane Lagarde. De son côté, la Maison Blanche vient d’interdire l’entrée aux États-Unis pour toute personne ayant voyagé en Chine dans les deux dernières semaines.
Pour les autorités chinoises, la décision américaine contredit l’Organisation Mondiale de la Santé qui appelait justement à éviter ces interdictions de voyager. Plus que cela, cette annonce constitue une véritable perte de face pour le régime de pékin qui, après avoir beaucoup trop tardé à réagir, mobilise depuis une semaine tous les efforts de la nation avec des mesures jamais prises à cette échelle contre une épidémie : blocage des mégapoles, confinement de provinces entières, construction accélérée d’hôpitaux de campagne, ou encore déploiement des médecins militaires et usines d’équipements médicaux tournant 24 heures sur 24 pour tenter de pallier le manque de personnel et de matériel dans les régions infectées.
« Les États-Unis se sont précipités dans la direction opposée aux recommandations de l’OMS, a regretté Hua Chunying, l’une des porte-paroles de la diplomatie chinoise. Et ce n’est certainement pas un geste de bonne volonté. » Ces avions qui tournent le dos au pays, ces frontières qui se ferment (États-Unis, Italie, Australie) laisseront probablement des traces dans la mémoire chinoise. Même si pour le moment, le slogan « Je suis wuhanais » n’est pas plus entendu en Chine qu’ailleurs, les habitants du Hubei, épicentre de l’épidémie, étant considérés par certains comme des pestiférés.
Pendant ce temps, la grande évacuation des étrangers de Wuhan continue. Pour tenter de rassurer ceux qui restent, Pékin et Shanghai viennent d’ouvrir une ligne téléphonique en plusieurs langues. Objectif : donner aux étrangers encore présents sur le territoire des informations actualisées sur le virus, et l’adresse des hôpitaux où aller se faire soigner.
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Le Vietnam a suspendu tous les vols avec la Chine, ainsi que l’Australie. Des décisions du même type ont déjà été annoncées par plusieurs pays, notamment l’Italie, Singapour ou la Mongolie. Côté américain, Apple va fermer ses magasins en Chine jusqu’au 9 février.
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Une contagion un peu plus élevée que le SRAS et la grippe
Dans le monde entier, des chercheurs partagent leurs données pour mieux comprendre le virus et ainsi travailler sur des stratégies thérapeutiques, des candidats vaccins et orienter les décisions en matière de mesures sanitaires. Yazdan Yazdanpanah est spécialiste de l’infectiologie et de l’immunologie en France, au sein de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm).
« De jour en jour, on apprend, mais il y a encore des inconnues, explique-t-il au micro de Laura Martel. Par exemple, quand on est exposé au virus, combien de jours après développe-t-on la maladie ? On commence à le voir. Il semble que ce soit cinq jours. »
Quel est le taux actuel de mortalité du coronavirus ? « Je pense que c’est une donnée très importante, parce que c’est ça qui va nous permettre de réagir contre ce virus, poursuit Yazdan Yazdanpanah. Actuellement, selon les données dont on dispose, c’est 2% de mortalité. Il faut être prudent pour voir si c’est vraiment 2 %. »
Comment évaluer la transmission du virus ? « On regarde à combien de personnes est transmise la maladie par une personne, quand il n’y a aucune mesure de protection, précise le spécialiste. Pour la rougeole, c’est 15 à 20 personnes. Pour le SRAS, c’était deux personnes. Pour la grippe, c’est entre 1,5 et 2 personnes. Pour le nouveau coronavirus, c’est entre 2 et 3. Le dernier chiffre qui est sorti hier, c’est 2,2. Donc cela semble être un peu plus élevé que le SRAS et la grippe, mais par contre, cela n’a rien à voir avec une maladie contagieuse comme la rougeole. »
À Wuhan, on tente d’éviter la psychose
Comme à chaque situation de crise, les réseaux sociaux foisonnent d’informations en tous genres. C’est le cas depuis l’apparition du coronavirus dans la métropole chinoise de Wuhan. Comment faire le tri entre les sources fiables et les rumeurs ? Des précautions s’imposent pour ne pas sombrer dans la psychose.
« Avec mon collègue, un professeur de physique russe, on s’arrange pour se documenter et surtout pour voir l’évolution de l’ambiance, le comportement des gens, explique Samuel François, enseignant à la faculté de médecine de l’université de Wuhan, joint par Jelena Tomic. Et puis voir si le climat s’améliore ou pas. On fait cela de façon quotidienne. Ce que l’on a constaté tous les deux, c’est que les gens – les Wuhanais – gardent un sourire. Ce n’est qu’un virus, malgré sa virulence. Il passera. Rien ne sert de s’affoler puisque, de toute façon, ce processus suivra son cours. Par contre, il faut faire attention à ne pas ralentir ce processus, à le faire passer le plus vite possible. »
« Pour l’instant, effectivement, les choses n’ont pas suffisamment duré pour que l’exaspération se ressente partout, note l’enseignant français. Mais j’imagine, évidemment, que si les choses durent, là, cela risque de changer. On ne sent pas une peur générale dans la population. Les gens ont plutôt, pour l’instant, un flegme quasi-britannique, je dirais. »
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À Wuhan, 60 millions de personnes sont concernées par les mesures de quarantaine. La commission sanitaire du Hubei a fait état de 1 220 cas de contamination supplémentaires, ce qui porte le total à près de 6 000 pour cette seule province. Les hôpitaux arrivent-ils encore à gérer les flux des nouveaux patients ? Ou sont-ils débordés, voire mal équipés ?
« La situation, maintenant, s’est nettement, nettement améliorée, avec la mobilisation de près de 30 hôpitaux à Wuhan, qui ont une capacité de 1 000 lits chacun et la réalisation de ces deux hôpitaux de campagne, répond le Dr Philippe Klein, qui a fait le choix de rester à Wuhan, au micro de Heike Schmidt. Ce qui fait que maintenant, la ville a une importante capacité d’hospitalisation des patients atteints du coronavirus. On envisage même d’hospitaliser aussi des patients asymptomatiques, des patients qui ont peu de symptômes et qui sont actuellement confinés à leur domicile. Si parfois ils ne respectent pas vraiment les règles de confinement, les autorités sanitaires vont avoir maintenant la capacité d’hospitaliser aussi ces personnes. »
Le Dr Klein se veut donc rassurant : « Le nombre de tests réalisés ici, à Wuhan, est de plus en plus important. Tout est fait maintenant pour isoler tous les cas des patients atteints par le coronavirus, afin de contrôler l’épidémie. Tous ces hôpitaux ont reçu le secours des équipes médicales des hôpitaux parrains, situés dans les autres provinces. »
Par contre, souligne Philippe Klein, « les hôpitaux manquent de matériel de protection pour leur personnel. Donc maintenant, la Chine fait tout pour se réapprovisionner avec ces matériels de protection. Et je pense que dans les jours qui viennent, ces matériels vont arriver. »
Des Français de retour de Wuhan placés en quarantaine
En France, le ministère de la Santé a fait un nouveau point presse sur l’épidémie de coronavirus, comme chaque jour depuis le début du phénomène. Le pays compte toujours six cas détectés, un chiffre qui n’a pas évolué ce vendredi. La ministre Agnès Buzyn est revenue sur son déplacement à Istres, près de Marseille, où un avion avec à son bord près de 180 Français en provenance de Wuhan a atterri ce vendredi. Tous ont été placés à l’isolement dans un centre de vacances d’une station balnéaire, Carry le Rouet.
« Je les ai accueillis à la sortie de l’avion, a déclaré Agnès Buzyn au micro de Marie Casadebaig. Ils m’avaient l’air soulagés, fatigués. Parce qu’ils ont été mis en confinement dans Wuhan depuis plus d’une semaine. Je crois que même d’atteindre l’aéroport a été pour certains assez compliqué. J’en ai profité pour leur expliquer, évidemment, ce qui allait arriver dans le centre d’accueil. Je leur ai rappelé qu’ils étaient tenus de rester à l’isolement de leurs familles pendant 14 jours, où ils feront l’objet d’une surveillance médicale. »
« Deux personnes ont présenté des symptômes dans ce rapatriement. Une dans l’avion, et une autre dans le bus. En fait, c’était des symptômes très légers. À ma connaissance, l’un des patients avait simplement le nez qui coule. Ce n’est a priori pas le genre de symptômes que présentent les gens en Chine, puisqu’ils ont en priorité de la fièvre et des signes pulmonaires, c’est-à-dire une toux. »
« Ils ont été rapidement amenés au Centre hospitalier universitaire de Marseille, où ils ont été testés. Ils sont tous les deux négatifs. Ils vont donc pouvoir retourner dans le centre et dans le lieu d’accueil. Ils vont pouvoir quitter l’hôpital prochainement ». Un deuxième avion en provenance de Chine avec des Français à bord doit atterrir ce dimanche.
Marc Zyltman est responsable de l’unité de la Croix-Rouge qui va encadrer la quarantaine. Il a raconté à Stéphane Burgatt comment vont se dérouler ces deux semaines coupés du monde. « Nous aurons en permanence sur le site, au minimum, une dizaine de personnes de la Croix-Rouge, 24 heures sur 24. Les personnes qui sont ici font l’objet d’une mesure de confinement. Ils ont la liberté d’aller et venir dans l’enceinte du site, mais ils ne peuvent pas sortir et ne peuvent pas recevoir de visites. »
« On va organiser ce séjour de façon à ce qu’il se passe le mieux possible. On va aussi proposer des animations. On va notamment occuper les enfants, on fera un suivi scolaire. Je ne suis pas inquiet. On a quand même préparé les choses bien en amont pour que cela se passe bien. »
« Nous prenons des mesures de précaution, de bon sens. Il ne s’agit pas d’être anxiogène. Nous portons effectivement un masque de protection à l’intérieur du site, et nous portons des gants. Nous n’hésitons pas non plus à nous laver les mains, à utiliser les solutions hydro-alcooliques. Mais sans tomber dans l’exagération, sans tomber dans un discours qui consisterait à faire peur, alors qu’il n’y a pas une réalité d’avoir peur. »
rfi